Black Mirror : Bandersnatch

05/01/2019

Et vous, vous avez déjà été acteur dans un film ?

Merci de le demander, alors en effet, récemment j'ai été acteur dans un film. Mais je n'ai pas joué dedans.

Hein ?

Je m'explique. J'ai effectivement été acteur, mais la deuxième définition du mot « acteur » qu'on peut trouver dans le dictionnaire : Personne qui prend une part active, joue un rôle important.

Et ça peut être le cas de vous tous également sur Netflix en ce moment avec Black Mirror : Bandersnatch.

Bandersnatch est un long-métrage de la série d'anthologie Black Mirror, mais pas considéré comme un épisode. En gros, l'équipe de production, de distribution et de promotion est la même que celle de la série, mais Bandersnatch reste un film indépendant.

Vous vous demandez comment j'ai été « acteur » là-dedans ?

On y arrive. La particularité de ce film est que c'est un film interactif. À plusieurs reprises dans le film, deux alternatives s'offrent au personnage principal, et c'est au téléspectateur de prendre cette décision. Il a dix secondes pour cliquer sur l'une des deux options, sinon un choix se fera par défaut. Le personnage se comporte donc en fonction du choix qui est fait, et la suite de l'intrigue dépend logiquement des décisions qui ont été prises. Et ayant vécu cette expérience, je peux donc dire que j'ai été « acteur » de ce film.

En plus de cette expérience particulière, ce film nous offre une histoire. Stefan Butler (interprété par Fionn Whitehead, récemment vu dans Dunkerque) est un programmeur vivant en Angleterre en 1984, qui espère révolutionner le monde des jeux vidéos en adaptant le livre « Bandersnatch » qui est un livre interactif. C'est le héros de notre histoire, et à travers lui nous vivons cette expérience. Vous aurez donc saisis toutes les métaréférences.

Ça a l'air fou, n'est-ce pas ?

Eh bah pas vraiment. Bon, il y a quand même quelques points forts, et c'est avec ceux-là que nous allons commencer.

Tout d'abord l'idée de base. Une grosse production qui propose quelque chose de si révolutionnaire va forcément ouvrir des portes aux prochains. Maintenant que Black Mirror l'a fait, on peut tous le faire, et je pense (j'espère) voir ici la naissance d'un nouveau genre, ou du moins d'un nouveau format. Avec lequel ne pas abuser pour autant, mais quand même c'est cool.

Un autre point c'est une des thématiques abordées. Petit spoil dans les prochaines lignes mais franchement presque rien (sautez un paragraphe si vraiment vous ne voulez rien savoir). À un moment, Stefan va réaliser que les choix qu'il fait ne sont pas les siens et qu'il est contrôlé par une tierce personne. L'option de révéler à Stefan que le spectateur le contrôle via Netflix va se présenter (on ne peut plus méta), et bien que de très mauvais goût, je trouve la façon d'aborder cette thématique très judicieuse. En effet, nous avons ici une métaphore de la société actuelle, esclave des réseaux sociaux et des smartphones, où la volonté de poster une story dans un lieu précis va être plus forte que la volonté de le visiter. On pense avoir acheter ces baskets parce qu'elles nous plaisent alors qu'en réalité si on les a acheté c'est parce qu'on a vu tout son fil d'actualité les porter. Bref, c'est donc une representation de l'ère dans laquelle nous vivons, et le message est très fort.

Alors on en dit quoi ? C'est vrai que pour l'instant ça à l'air pas mal.

Mais attendez d'arriver au bout de cet article.

Même si on y trouve de bonnes idées, il y a quand même de nombreuses failles. Majoritairement concernant le format.

Tout d'abord, l'importance des situations de choix est trop inégale. Par exemple, dans une scène, Stefan est dans le bus et il a deux options de musiques à écouter, et c'est au spectateur de prendre cette décision. Ce choix n'aura strictement aucune influence sur l'intrigue, et vient remettre en question tous les autres. Car si celui-ci est insignifiant, comment peut-on savoir si les autres ont réellement un intérêt. La suite du film ne dépend pas de ce choix et on prend donc conscience de l'inutilité de ce cas. Dès lors, tous les autres choix qu'on aura à faire dans ce film auront été décrédibilisés.

En plus de ces choix inutiles parce qu'ils ne vont pas influencer l'histoire, nous avons d'autre choix qui sont inutiles, ceux-là parce que dans les deux cas, le personnage va fatalement faire la même chose. Exemple inventé pour ne pas spoiler : Si quelqu'un demande au personnage ce qu'il veut boire, il va y avoir deux options pour le téléspectateur, de l'eau et du jus d'orange. Si le spectateur clique sur « eau », son personnage recevra un verre d'eau, tandis que si le spectateur clique sur « jus d'orange », il se verra quand même remettre un verre d'eau parce qu'il n'y a plus de jus d'orange ou une autre raison nulle comme celle-là. En gros, dans des situations plus importantes dans le film, peu importe ce que le spectateur choisi, le personnage trouvera un moyen de faire ce qui est prévu d'après le scénario (ce n'est pas comme ça tout le temps mais dans certains cas).

Dans d'autres cas (encore une fois pas tous), on peut être redirigé vers une situation de « Game Over ». Le scénario arrive à son terme et l'histoire recommence en accéléré jusqu'au dernier choix, et on est demandés de choisir l'autre option.

Et maintenant on dit quoi ?

Je vous avais dit. Et ce n'est même pas terminé !

En terme de réalisation, on a quelques scènes vraiment intéressantes, mais malheureusement les situations de choix sont mal gérées. Étant donné que le téléspectateur a dix secondes pour prendre sa décision, certains plans sont forcés de durer autant de temps, et dans un film normal, jamais ça n'aurait eut lieu. Par exemple, le premier choix que l'on a à faire est de savoir quelles céréales Stefan va manger au petit-déjeuner. On a le droit à un travelling avant et à une musique de suspens, plus adaptés à une scène de tension ou de choix important qu'au choix de céréales pour le petit-déjeuner.

Par rapport au scénario, aucune identification au personnage principal n'est possible, alors que ça devrait être le point le plus évident. Le téléspectateur prend littéralement les décisions pour le personnage principal, il n'y a pas de relation plus forte possible. Et pourtant, c'est limite si on s'intéresse vraiment à ce qui va lui (nous) arriver.

Pas trop dégoûtés ?

Je comprends, et je partage votre peine. Je suis le premier déçu.

Un film interactif doit avant tout rester un film et respecter toutes ses règles. Ici, sans les situations de choix, le film n'a plus aucun intérêt. Si on voyait le film simplement, sans s'impliquer de façon active, aucune implication émotionnelle n'est possible. Ce film ne se résume qu'à son caractère interactif et c'est franchement dommage.

En conclusion, c'est une expérience intéressante mais trop mal exploitée. Ce n'est pas non plus une révolution, car Black Mirror ne sont pas les premiers à proposer une interactivité entre le média et le téléspectateur (exemple ici : https://helloeko.com/tmw/episodes), mais c'est la première grosse production à le faire et c'est quand même un cap.

Alors qu'on aurait aimé avoir un bon film qui prend la tournure que le spectateur souhaite, on a un film moyen qui permet à celui qui le regarde d'en choisir quelques détails. En plus de cela, certains scénarios sont irréalisables et on est donc confrontés aux mêmes choix plusieurs fois. C'est donc plus un jeu qu'un film. Et même pas ouf le jeu en plus.

Bref, trop déçu.

Si vous l'avez vu, on attends vos avis en commentaires. Si non, vous en pensez quoi dans l'idée ?

On fait quoi maintenant ?

Choix A : On dit au revoir.

Choix B : On continue de lire l'article.

Vous avez cliqué sur B ? dommage, cette voie n'a pas encore été programmée.  


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